En la selva, por Pucallpa
Quelques jours dans la jungle
Si l’on m’avait dit qu’on allait dormir sur des planches de bois…
Si l’on m’avait dit qu’en 4 jours, j’allais avoir des dizaines et des dizaines de piqûres sur les jambes, les bras, le dos…
Si l’on m’avait dit qu’on allait me frotter toutes ces piqûres avec des citrons pour éviter qu’elles s’infectent trop…
Si l’on m’avait dit que la seule façon de se laver serait en plein air (la nuit du coup…), en tirant l’eau d’un puits, au bord de la rivière…
Si l’on m’avait dit qu’on allait me faire marcher plus d’une heure pieds nus dans la jungle….
Si l’on m’avait dit qu'en voulant m’accrocher à un palmier pour éviter de chuter, j’allais m’enfoncer quelques épines dans la main et dans un doigt, de ces épines qui s’infectent si on ne les enlève pas (une épine dans la paume de la main m’empêchait de bouger le pouce …)…
Si l’on m’avait dit que le lendemain matin, on allait me charcuter la main pendant près de 2 h pour m’enlever les toutes petites pointes enfoncées bien profondément, avec une épingle de sûreté, puis une aiguille à coudre, et finalement une épine de citronnier, en désinfectant le tout à l’alcool pur…
Si l’on m’avait dit qu’un soir j’allais tomber face à face avec une tarentule en cherchant des choses dans mon sac-à-dos…
Si l’on m’avait dit qu’on allait se retrouver juste à côté d’une vipère dangereuse alors qu’on se baignait près d’une cascade…
Si l’on m’avait dit qu’on allait se prendre une bonne averse tropicale et se faire complètement tremper un soir dans le “peque peque” (petit bateau à moteur) alors qu’on partait dormir chez une voisine… en n’emportant évidemment aucune affaire de rechange…
Si l’on m’avait dit que ce soir-là, j’allais m’affaler dans la gadoue en essayant de grimper rapidement jusqu’à la maison…
Si l’on m’avait dit tout ça à l’avance, il est plus qu’évident que je n’y serais pas allée, à Bello Horizonte, le long du fleuve Aguaytia, dans la selva alta (jungle haute)…
Mais il est aussi évident que si je pouvais le refaire, je n’hésiterais pas une minute, tant les bons moments partagés ont compensé ces “petits” problèmes…
Alors que je m’apprêtais à prendre un vol pour Iquitos, j’ai rencontré mon ami Moisés et un autre de ses amis peintres, Mauro. Là, ils évoquent la possibilité d’aller passer quelques jours chez l’un de leurs amis, Luis (Lucho), à Bello Horizonte, au bord du fleuve Aguaytia. J’hésite… la région est très peu touristique, c’est une région de trafic de drogue, et forcément j’ai des appréhensions. En plus, je ne sais pas du tout ce qu’on va faire là-bas et quelles seront les conditions de vie… j’imagine bien que ce sera plutôt rustique…
Finalement, après s’être réunis avec d’autres amis de Moisés (Alfredo, Jorge, Ingrid et Luis) – tous guides dans la jungle et peintres – on décide de partir le soir-même. Il est fortement déconseillé de voyager de nuit à cause des risques d’attaque, mais bon, comme on est 7….
Premier incident sur la route entre Pucallpa et Curimana… un minibus s’est fait rentrer dedans et traîner par un bus juste quelques minutes avant notre passage… un mort et plusieurs blessés extrêmement graves… mes amis vont les évacuer du véhicule et demander aux rares voitures passant par là de les emmener à l’hôpital de Pucallpa… La route fait tellement de ravages au Pérou….
Arrivés à Curimana, on traverse le fleuve en bateau, il fait déja nuit depuis un bon moment.
De l’autre côté, on en a encore pour une bonne heure de route. Il n’y a qu’un seul taxi et … il est en panne !!! On attend quasiment une heure que le chauffeur le répare. Là, je découvre que mes compagnons de voyage ne sont pas seulement peintres mais aussi musiciens… ils sortent guitare, quena, flûte ... histoire de rendre l’attente plus agréable.
On entre tous les sept dans la voiture, serrés serrés ! … la route est défoncée et on tombe dans un trou… le chauffeur peste !
Enfin, on arrive vers 22 h chez Luis, et on installe nos “lits” sur la terrasse (une couverture sur le plancher et ma moustiquaire), avant d’aller faire un petit tour auprès du fleuve. En revenant, je me rends compte que mon lit, qui me semble si dur, est fort apprécié par le petit chiot de Luis : il est confortablement installé sur ma moustiquaire et sur la couverture… et malgré mes efforts pour le faire s’éloigner il y passe la nuit…
Lever vers 5h 30 le lendemain … Certains ont déjà pris les instruments et quelques chansons au réveil, c’est fort agréable ! Rapide petit déj… puis on part pour la journée en bateau à moteur. On s’arrête d’abord dans la chacra (le terrain cultivé) d’un voisin qui nous montre tout un tas d’arbres et de plantes tropicaux, et nous offre différents fruits.
Puis on remonte le fleuve pendant plus de 3 heures, en faisant quelques arrêts, avant de partir à pied jusqu’à une cascade.
Comme il faut marcher dans la
rivière, je laisse les chaussures de trekking dans le canoë, et pars en
tongs… Très vite je me rends compte que c’est beaucoup plus facile
pieds nus (mais attention aux petites bêtes et aux épines!). La cascade, dans cet écrin de verdure, est magnifique… Mes compagnons se baignent… l’eau est trop marron à mon goût…
On décide de grimper en haut de la cascade, mais là, il faut marcher dans la jungle… je regrette mes chaussures de trekking… En tongs je n’arrête pas de glisser, c’est souvent de la gadoue… Du coup, c’est pieds nus, mais j’ai peur des épines, des insectes et des autres bestioles (on voit plusieurs grenouilles dangereuses). Heureusement, on m’aide bien…
La cascade est encore plus belle du haut, l’eau est plus claire …et, pour le coup, invite à la baignade.
On peut se mettre entre les roches, dans la cascade, et c’est super agréable, comme un jacuzzi… Surtout le cadre est vraiment beau…
Et c’est au retour que je m’enfonce ces sacrées épines dans le doigt et la main … ce que ça fait mal !
Pendant qu’on se baignait, d’autres sont allés pêcher… et quand on rejoint le bateau, le déjeuner est prêt : les poissons sont déjà cuits = direct de la rivière à l’assiette ! Avec un peu de bananes cuites, c’est délicieux…
Puis on reprend le chemin du retour et on arrive de nuit, vers 22h00, à la maison.
Direction le puits pour une “douche” bien méritée … puis séance frottage du corps au citron pour désinfecter les piqûres d’insectes…
Le lendemain, à l’aube, une partie du groupe va chercher de la résine d’un arbre (sangre de grado) utilisée pour peindre. De mon côté, c’est la torture dès le réveil pour m’enlever les petits bouts d’épines enfoncés bien profondément dans ma main… Impossible de faire sortir celle que j’ai dans le doigt… A plusieurs reprises, Moisés veut arrêter en me voyant de venir de plus en plus pâle. La maîtresse de maison suggère de m’emmener au poste de santé… Finalement, au bout de 2 h, c’est avec une épine de citronnier que ça marche …
Ce matin, Jorge, Alfredo, Ingrid et Mauro doivent repartir à Pucallpa.
Moisés et moi restons avec Lucho, et tous les 3 nous partons marcher jusqu’à une autre petite cascade, au début en chaussures, et ensuite il a bien fallu de nouveau marcher pieds nus, parfois dans la rivière, parfois dans la forêt…. On emprunte des sentiers utilisés par les trafiquants (illégaux) de bois.
Là encore, ce mélange d’eau, de cascade, de rochers où goutte l’eau est magnifique.
Ça forme une piscine naturelle et évidemment on se baigne…
Alors qu’on gagne la cascade, Moisés manque de poser la main sur une vipère rouge et noire, considérée dangereuse… Oups, ça enlève l’envie de patauger dans l’eau…
Ces paysages magnifiques, les moments agréables partagés m’avaient fait oublier que la jungle reste un milieu assez inhospitalier… Je suis vraiment contente d’avoir mes 2 anges gardiens qui veillent constamment sur moi.
Arrivés à la maison en fin d’après-midi, Lucho et Moisés décident d’aller chez une amie de Lucho, une femme qui pratique la médecine naturelle et est très reconnue, la señora Mercedes, à environ une demi-heure en bateau. Moi, forcément, je suis… Je prends quelques affaires pour la nuit, ma moustiquaire (essentiel !) et je vois Lucho qui met 2 matelas dans le bateau : je me réjouis à l’idée de ne pas dormir sur le plancher cette nuit…
Beau coucher de soleil sur le fleuve… Mais très vite, il commence à pleuvoir… un peu… puis beaucoup… énormément… Pour une fois qu’on allait avoir des matelas… les voilà trempés… Il fait nuit… et il pleut de plus en plus. Sans une bonne lampe, on n’arrive pas à trouver l’endroit où accoster pour aller chez la señora Mercedes. Du coup, on doit s’arrêter chez une autre famille pour se mettre à l’abri, protéger le moteur du bateau, prendre un seau pour évacuer l’eau qui s’accumule dans le bateau. En grimpant chez ces gens, je tombe dans la gadoue, voilà, non seulement je suis trempée mais en plus mes habits sont pleins de boue, et je n’ai rien pour me changer… On est à 2 minutes en bateau de la maison de la señora Mercedes… On attend que la pluie se calme un peu, et on y va… Aussitôt cette femme sympathique, énergique et dynamique nous prend en main… Des boissons chaudes pour se réchauffer, des habits pour se changer, plusieurs couvertures pour recouvrir les matelas trempés et ne pas sentir l’humidité…
Le lendemain, après un petit déjeuner copieux, elle nous fait visiter son grand jardin rempli de plantes médicinales, nous offre tout un tas de fruits (des noix de coco notamment…hmmm, le bon jus !) et des avocats délicieux…
Puis on retourne chez le voisin qui nous avait prêté la veille des plastiques et un seau.
Et enfin on regagne en bateau la maison de Lucho...
Vers midi, on prend le chemin du retour, vers Pucallpa…
Voilà… juste quelques jours, mais plein de souvenirs… Des journées bien remplies… des paysages splendides … et surtout …ce que ça fait du bien de passer quelques jours entourée d’amis !!
La jungle, oui, j’aimerais y retourner (à Contamana notamment, un endroit qui semble paradisiaque)… mais pas avec n’importe qui ou n’importe quel guide…
Là, pour moi, les conditions étaient idéales, avec ces amis guides et artistes qui veillaient sur moi 24 h sur 24…